Entre temps Amy Winehouse est morte, je me suis retrouvée acceptée - entre guillemets - dans cette foutue prestigieuse école avec ses trois initiales derrière lesquelles je cours depuis trois ans, et j'ai failli tomber dans les pommes à la douane de Genève.
Parfois j'ai peur de rester la nuque cassée pour regarder vers le ciel que je ne sais atteindre.
Parce qu'au fond je sais bien que je suis de ces personnes qui ne savent pas prendre leur plaisir où il se trouve, je sais bien que je suis une de ces personnes délicates comme disait Céline, une de ces connasses incapable de jouir, trop réservées et trop craintives, qui ont peur des vaches, du tonnerre et des virages, une de ces pauvres baby girl rescapées du naufrage de l'enfance, pauvre idiote tombée avec la dernière pluie au milieu d'un foutu monde en plastique qui pue le pétrole et le vomi en morceaux des gosses dans le car.
Voilà.
Je regretterai probablement tout ce que j'écris, et le reste aussi si c'est possible, mais quand même, je suis bien heureuse d'être revenue sur terre, même s'il est déjà minuit vingt et que je perdrai trop vite l'habitude de dormir, même si demain je finirai le paquet de céréales, même si ma vie ne se comptera plus jamais qu'en portions de 500g.
Jvoudrais bien devenir bilingue en latin pendant mon sommeil, et que quelqu'un rédige mon mémoire pendant la nuit, histoire d'être tranquille et de rien faire d'autre que du shopping dans le quartier Saint-Jean, sans reprendre mon souffle ailleurs que dans les vitrines papier glacé.
J'en dégueule encore de cette intoxication alimentaire, j'en gerbe encore de l'évaluation merdique de la directrice, je leur crache tous dessus à ces connards et ces connasses, et j'emporterai ma colère dans ma tombe.
Peut-être qu'en fin de compte j'aurais dû choisir de travailler sur Céline ou Bukowski, enfin sur quelque chose d'un peu plus agressif que les rivages ensommeillés d'un pays qui n'existe pas.
Peut-être qu'on devrait foutre le pays à feu et à sang et arrêter de se regarder à travers le prisme pixelisé de l'internet.
Ouais peut-être qu'on devrait foutre le camp et se retrouver au centre du pays, dans le massif central ou dieu sait où, où on aurait la paix et puis la vue sur quelque chose de joli, un lac avec des roseaux ou bien un manège coloré par exemple, enfin voilà, peut-être qu'il faudrait que j'apprenne à cracher par terre, et à pisser debout, peut-être.
Peut-être que ma prise de sang ne fera que confirmer mes peurs et trouer mon gilet pare-balles des deux cotés, peut-être que je finirai ma vie dans un asile pour demeurés à baver sur la moquette en suppliant des infirmières sadiques de me laisser respirer une fois, une dernière fois. Parce que c'est sûr que d'ici là on aura légalisé l'euthanasie, et qu'on fera passer tous les trop cons à la casserole, moi la première.
Je sais bien que je raconte de la merde, mais que veux-tu ça a quelque chose de jouissif de faire péter les limites de décider qu'il n'y a plus d'entrave et que personne, non personne, même pas nous-mêmes, ne nous relira jamais.
Je ne sais pas si je sais dépasser la peur et la douleur, mais je sais que ce sont les deux seules choses qui dirigent le monde.
L'amour est esclave dans ce foutu empire.
Il n'y a rien d'autre que les chocottes, on bute parce qu'on a peur de se faire buter et de se sentir partir dans la douleur la plus insoutenable qu'il soit, il n'existe aucune autre loi, aucune autre logique.
On peut se faire très mal, mais ce sera uniquement dans le but de se préserver d'un mal ou d'une peur encore plus grande, il y a toujours toujours autre chose, et puis il est minuit trente, demain mes cheveux seront sales comme d'habitude, et puis ce sera après demain et encore après et un jour viendra on se retrouvera et j'ai terriblement hâte même si je suis terriblement fêlée.
à 19:35